Cours : Les antibiotiques

Les antibiotiques

Les antibiotiques sont des médicaments qui agissent sur les micro-organismes par deux manières : 

  • soit par destruction et c'est l'effet bactéricide,
  • soit par inhibition de la croissance et c'est l'effet bactériostatique.

On distingue plusieurs classes d'antibiotiques : bêtalactamines, macrolides, sulfamides...

Les antibiotiques
Les antibiotiques

I-  Généralités sur les antibiotiques

1.  Historique des antibiotiques 

  • 1877 : Pasteur et Joubert ont remarqué qu'un micro-organisme se développe mal dans un liquide contaminé par des moisissures.
  • 1897 : Ernest Duchesne constate que les Palefreniers utilisent des moisissures pour traiter les plaies de leurs chevaux en les appliquant sur des cuirs placés dans des zones chaudes, humides et sombres des écuries. Il décrit ainsi l'inhibition de la croissance bactérienne par une moisissure, le Pénicillium.
  • 1929 : Fleming découvre un Pénicillium sur une boîte de Pétri, montrant son effet inhibiteur sur le staphylocoque doré.
  • 1940 : Chain développe une forme stable et utilisable de la pénicilline in vivo, marquant ainsi un pas géant : la création du premier antibiotique.
  • 1942 : Démarrage de la production industrielle de la pénicilline qui s'avère bénéfique durant la seconde guerre mondiale.

2.  Définition des antibiotiques

Les antibiotiques sont des composés chimiques qui ont la propriété de :

  • détruire d'autres micro-organismes, c’est l’effet bactéricide,
  • ou d'inhiber leur multiplication, c’est l’effet bactériostatique.

II-  Choix d'une antibiothérapie

1.  Les critères de choix d'un antibiotique

L'antibiothérapie est réservée aux situations où un bénéfice est attendu, notamment pour des infections bactériennes clairement identifiées.

Un antibiotique est caractérisé par son spectre, qui représente l'ensemble des bactéries sensibles à cet agent. 

Le choix peut parfois reposer sur un raisonnement probabiliste, surtout lorsqu'un diagnostic présumé nécessite une antibiothérapie immédiate en raison du risque évolutif. Cela se base sur la fréquence des germes généralement responsables des symptômes observés et leur sensibilité habituelle. 

Lorsque l'isolement de la bactérie est possible, le choix d'antibiotique se fait selon les résultats d'un antibiogramme.

Dans certaines situations, combiner deux antibiotiques aux modes d'action différents peut améliorer l'efficacité du traitement.

2.  L'antibiogramme

L'antibiogramme est un test de laboratoire essentiel dans certains cas, permettant de déterminer la sensibilité de la souche bactérienne isolée aux antibiotiques. Il guide la prescription et surveille l'apparition et l'évolution des résistances. 

Ce test nécessite des prélèvements bactériologiques à réaliser avant le début de tout traitement antibiotique.

III-  Mode d'action des antibiotiques

Les antibiotiques agissent en ciblant des structures précises et spécifiques ou des processus vitaux des bactéries. 

Dans ce paragraphe on verra les principales cibles et modes d'action.

1.  La paroi bactérienne

Par inhibition de la synthèse de la paroi car certains antibiotiques empêchent la formation de la paroi cellulaire, ce qui entraîne la lyse de la bactérie.
Exemples :

  • Pénicillines (comme la pénicilline G)
  • Céphalosporines
  • Vancomycine

2.  La membrane cytoplasmique

Par perturbation de la membrane car certains antibiotiques modifient la perméabilité de la membrane cytoplasmique, cela affecte la fonction métabolique et la survie de la bactérie.
Exemple : Polymyxines

3.  La synthèse des protéines

Par inhibition de la synthèse des protéines. Ces classes d’antibiotiques ciblent les ribosomes bactériens, empêchant ainsi la production de protéines essentielles à la croissance et à la reproduction des bactéries.
Exemples :

  • Tétracyclines
  • Macrolides (comme l'érythromycine)
  • Aminosides (comme la gentamicine)

4.  La synthèse de l'ADN

Par inhibition de la synthèse de l'ADN :  certains antibiotiques interfèrent avec les enzymes nécessaires à la réplication de l'ADN, empêchant ainsi la division cellulaire.
Exemple : Quinolones (comme la ciprofloxacine)

5.  La synthèse de l'ARN

Par inhibition de la synthèse de l'ARN. Ces antibiotiques bloquent la transcription de l'ADN en ARN, empêchant la production de protéines.
Exemple : Rifampicine

IV-  Les indications de l’utilisation des antibiotiques

1.  Les objectifs de l'utilisation des antibiotiques

1-1.  Objectif curatif d'un antibiotique

C’est un traitement des infections avérées et confirmées (existence de germes).

1-2.  Objectif prophylactique d'un antibiotique

C’est pour la prévention des infections, notamment avant ou après une intervention chirurgicale ou chez les patients immunodéprimés.

2.  Antibiorésistance

Depuis l'introduction des antibiotiques, de nombreuses souches bactériennes résistantes ont émergé, posant un problème majeur de santé publique, en particulier dans les hôpitaux.

La résistance peut être naturelle ou acquise. 

2-1.  La résistance naturelle

C'est quand le germe n'est pas sensible à l'antibiotique d'emblée.

2-2.  La résistance acquise

La résistance à un antibiotique est acquise après un usage abusif, entraînant une perte de l’efficacité de cet antibiotique. Cette résistance résulte de l'émergence de souches bactériennes mutantes générées par le traitement antibiotique. Elle est due le plus souvent à une utilisation insuffisante de l'antibiotique, comme une durée de traitement trop courte, ou d'une automédication répétée. 

De plus, la résistance peut être croisée au sein d'une même classe d'antibiotiques (par exemple, résistance à toutes les pénicillines).

2-3.  La prévention de l'antibiorésistance

Pour faire face à cette problématique, il faut :

  • Réaliser un antibiogramme avant tout traitement quand c’est possible.
  • Respecter la durée du traitement antibiotique.
  • Éviter l'automédication.

3.  Formes d'administration des antibiotiques 

Les familles des antibiotiques
Les familles des antibiotiques

V-  Grandes familles d'antibiotiques

Les antibiotiques sont classés en plusieurs grandes familles, ayant chacune des mécanismes d'action, des spectres d'activité et des indications cliniques spécifiques.

1.  Les Bêta-lactamines

Elles ont une action bactéricide. Elles comprennent :

1-1.  Les Pénicillines

  • Pénicilline G : Utilisée principalement pour des infections à streptocoques et à pneumocoques.
  • Aminopénicillines (ex. : Amoxicilline, Ampicilline) : Efficaces contre un large spectre de bactéries y compris certaines souches d'E. coli et de Salmonella.
  • Pénicillines résistantes aux pénicillinases (ex. : Oxacilline) : Ciblent les staphylocoques résistants à la pénicilline.

1-2.  Les Céphalosporines

  • 1ère génération (ex. : Céfalexine) : Efficaces contre les bactéries Gram-positives.
  • 2ème génération (ex. : Céfuroxime) : Spectre élargi incluant certaines bactéries Gram-négatives.
  • 3ème génération (ex. : Céfotaxime, Céftriaxone) : Plus efficaces contre les bactéries Gram-négatives. Souvent utilisées pour des infections sévères.

1-3.  Les Carbapénèmes 

Antibiotiques à large spectre, souvent réservés pour des infections multi-résistantes. Exemple : Imipénème

1-4.  Les Monobactams 

Efficaces contre certaines bactéries Gram-négatives. Utilisés chez les patients allergiques aux pénicillines. Exemple : Imipénème.

2.  Les Macrolides

- Mécanisme d'action : par inhibition de la synthèse des protéines en se liant aux ribosomes.

- Exemples : Érythromycine, Azithromycine, Clarithromycine.

3.  Les Aminosides

- Mécanisme d'action : Inhibition de la synthèse des protéines par liaison aux ribosomes.

- Exemples : Gentamicine, Amikacine, Tobramycine.

4.  Les Tétracyclines

- Mécanisme d'action : Inhibition de la synthèse des protéines en bloquant l'accès des acides aminés aux ribosomes.

- Exemples : Tétracycline, Doxycycline, Minocycline.

5.  Les Quinolones

- Mécanisme d'action : Inhibition de la synthèse de l'ADN en bloquant les enzymes nécessaires à la réplication.

- Exemples : Ciprofloxacine, Lévofloxacine, Ofloxacine.

6.  Les Sulfamides

- Mécanisme d'action : Inhibition de la synthèse de l'acide folique, essentiel à la croissance bactérienne.

- Exemples : Sulfaméthoxazole, Triméthoprime (souvent associé au sulfaméthoxazole).

7.  Les Glycopeptides

- Mécanisme d'action : Inhibition de la synthèse de la paroi cellulaire.

- Exemples : Vancomycine, Teicoplanine.

8.  Les Polymyxines

- Mécanisme d'action : Perturbation de la membrane cytoplasmique.

- Exemples : Colistine, Polymyxine B.

9.  Les Chloramphénicol

- Mécanisme d'action : Inhibition de la synthèse des protéines.

- Exemple : Chloramphénicol.

10.  Les Imidazolés

- Mécanisme d'action : Inhibition des processus métaboliques des bactéries.

- Exemple : Métronidazole.

VI-  Surveillance de l'antibiothérapie 

La surveillance des patients sous antibiothérapie inclut :

  • Détection et prévention des incidents accidents,
  • Évaluation de l'efficacité du traitement.

1.  Accidents d'intolérance aux antibiotiques

Les réactions d'hypersensibilité sont les phénomènes les plus fréquents, notamment avec les bêta-lactamines et les sulfamides. 

Ces manifestations surviennent souvent lors de la réintroduction d'un antibiotique chez un patient ayant des antécédents allergiques avec la même molécule.

1-1.  Le choc anaphylactique

- Symptômes : Chute de la tension artérielle, dyspnée, sensation de malaise.

- Urgence : C'est une situation vitale nécessitant une intervention immédiate.

1-2.  Les manifestations cutanéo-muqueuses

- Exemples : Urticaire généralisée, œdème de Quincke.

- Urgence : Ces réactions peuvent également être critiques.

1-3.  Les mécanismes biochimiques

Les réactions d'hypersensibilité impliquent plusieurs types de cellules sanguines et tissulaires, notamment :

  • Les polynucléaires éosinophiles et basophiles,
  • les lymphocytes,
  • les macrophages,
  • et les plaquettes.

Ces cellules libèrent des substances en quantités excessives, pouvant nuire aux fonctions vitales. Parmi ces substances, on trouve :

  • Histamine : Responsable des bronchospasmes et de la vasodilatation, pouvant entraîner une hypotension artérielle.
  • IgE : Impliquées dans les réactions allergiques.
  • Leucotriènes : Induisent des contractions des muscles lisses.
  • PAF (Platelet Activating Factor) : Provoque l'agrégation plaquettaire.

 2.  Prévention et dépistage des accidents d'intolérance aux antibiotiques

Il est essentiel :

  • d'interroger systématiquement les patients sur les antécédents allergiques avant le traitement,
  • et de surveiller les signes évocateurs après l'administration (tension artérielle, pouls, urticaire, œdème, etc.)..

3.  Accidents toxiques

Ces effets indésirables sont liés à l'antibiotique lui-même, tels que :

- Accidents rénaux : diminution de la diurèse, augmentation de l'urée et de la créatinine ; surtout avec les céphalosporines.

- Accidents neuro-sensoriels : hypoacousie avec les aminosides, crises convulsives avec la pénicilline à forte dose.

- Accidents hématologiques : aplasie médullaire avec le CHLORAMPHENICOL. Le contrôle biologique est la NFS.

- Accidents hépatiques : élévation des transaminases.

- Les troubles ioniques ou métaboliques : hypocalcémie, hypokaliémie et hypernatremie. La surveillance clinique est basée sur : la TA, le pouls, la conscience. Le contrôle biologique peut se faire par un ionogramme sanguin.

4.  Accidents liés à l'activité antibactérienne

4-1.  Les accidents digestifs

Les effets indésirables digestifs des antibiotiques peuvent se manifester de plusieurs manières :

a- Intolérance locale

- Causes : Effets directs des antibiotiques sur la muqueuse digestive.

- Symptômes :

  • Anorexie,
  • Nausées,
  • Vomissements,
  • Gastralgies.

b-  Diarrhées

- Causes : Destruction de la flore saprophyte (flore bactérienne normale) par les antibiotiques.

- Prévention : Consommation de probiotiques, comme des yaourts ou de l'ultra-levure.

c-  Surinfections mycosiques :

- Causes : Modification de la flore saprophyte et carences en vitamine B.

- Manifestations :

  • Muguet buccal (infection à Candida albicans).
  • Mycose génitale.

d-  Complications graves : 

Dans de rares cas, la destruction de la flore intestinale peut conduire à une entérocolite causée par des germes anaérobies stricts, comme Clostridium difficile, entraînant une colite pseudo-membraneuse.

4-2.  Accidents de la lyse bactérienne

- Causes : Libération massive d'endotoxines lors d'un traitement antibiotique trop agressif, notamment dans le cadre de la fièvre typhoïde.

- Prévention : Ajustement progressif des posologies pour éviter des réactions excessives

 VII-  Évaluation de l'efficacité du traitement antibiotique 

L'évaluation se fait à travers :

  • Les signes cliniques généraux et locaux : fièvre, douleur, inflammation, données radiologiques...
  • Les signes spécifiques de la pathologie.
  • Les résultats biologiques.

Conclusion

Chaque famille d'antibiotiques a ses propres caractéristiques et applications, ce qui en fait des outils essentiels dans le traitement des infections bactériennes. Toutefois, l'émergence de résistances souligne l'importance d'une utilisation appropriée et d'une surveillance continue.

 

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